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Le système d'écriture japonais

5 octobre 2010

Une des réactions de beaucoup de débutants face à la langue japonaise et l’incrédulité face aux trois systèmes d’écritures. En réalité, ce ne sont pas trois systèmes, mais trois catégories qui forment bien un seul système d’écriture.

Le hiragana est présenté comme un alphabet, concept valise commode ici, bien qu’incorrect: le mot « syllabaire » existe. Plutôt que de présenter le syllabaire katakana comme un jeu de caractères réservé aux mots étrangers, je préfère l’analogie aux majuscules. Une occurrence de katakana saute aux yeux dans une phrase, autant qu’une majuscule.

De plus les katakana ne sont pas « réservés » aux mots étrangers qui peuvent être écrits en hiragana aussi, ils sont couramment utilisés pour les noms d’animaux qui ont des caractères chinois au nombre de traits trop importants, ou pour des listes de noms de famille, l’erreur de lecture étant facile quand on ne connaît pas la personne.

Enfin les caractères chinois sont la hantise au pire, l’objet d’admiration au mieux de nombre d’étudiants. Certes, ces caractères sont difficiles à apprendre. Leur lecture dépend du contexte, et en réalité, le japonais est suffisamment flexible pour donner à ces caractères la lecture que l’on veut. On attribue parfois à un mot la lecture d’un mot différent, qui a un sens proche, pour jouer avec les nuances. On trouve même dans des manga une liste de mots de quatre caractères chinois où la lecture recommandée est… la traduction anglaise!

On dit souvent que « le japonais est une langue difficile: même les Japonais ne savent pas lire tous leur mots ». À cela, je m’insurge (rien que ça): je réponds qu’un anglais qui voit un mot écrit pour la première fois sans l’avoir jamais entendu ne sait pas le lire correctement. Pour preuve: prononcez les deux mots « choir » (chœur) et « to hoist » (hisser), et donnez-moi la logique! De même, tout le monde n’est pas un dictionnaire ambulant: combien connaissent le sens du mot « anémie » ? Ils savent le prononcer ? La belle affaire… En caractères chinois, si je ne sais pas le lire, je sais facilement qu’il s’agit de “pauvre” + “sang”, ce qui me parle un peu plus que les souvenirs de mes cours de grec ancien.

Enfin, les mots anglais prononcés à la japonaise qui font légion… et sont l’objet du mépris de beaucoup d’occidentaux. Oui, les japonais ont un certain complexe vis à vis de l’anglais, et se plaisent à copier les mots. Dans le passé aussi, ils copiaient les mots du chinois, et ont gagné en nuance (deux mots pour le prix d’un!). Aujourd’hui aussi, ils importent les mots anglais, mais n’oublient pas pour autant les mots traditionnels. Le japonais gagne en nuance, que ce soit pour les mots abstraits (irony ou hinniku) ou pour les mots concrets (ginger ou shōga) ; et l’apprenant japonais gagne en facilité : s’il ne connaît pas le mot japonais, qu’à cela ne tienne, il peut prononcer le mot anglais à la japonaise et toujours se faire comprendre.

Alors pourquoi médire par ignorance sur la prétendue pauvreté d’une langue, qui est en réalité la face cachée d’un jeu de nuances pour le japonais, et une aide pour celui qui apprend la langue ?