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Rester fidèle au texte

31 août 2015

Dans un monde où les échanges d’informations sont basés sur des représentations écrites, la formalisation de cette représentation est une condition nécessaire à l’élaboration d’un message et à sa lecture.

Tous les formalismes sont valides dans la mesure où l’ensemble des parties concernées ont le même bagage qui permet de comprendre le contenu du message. La viabilité d’un système scripteur (ou retranscripteur) dépend néanmoins de sa complexité: si l’audience d’un message est large, le standard de production d’un message doit être le moins prescriptif possible.

Le succès de l’écriture manuscrite traditionnelle illustre bien cette affirmation: peu importe l’outil scripteur et le support d’écriture (calame sur papyrus, crayon sur papier, bâton dans le sable, graffiti sur un mur, etc.), la connaissance d’un alphabet, d’un syllabaire ou de pictogrammes qui permettent de retranscrire une langue (si possible commune) suffit à véhiculer un message.

En revanche, si l’audience doit rester restreinte, on envisage des procédures plus complexes. Les procédés cryptographiques historiques en sont un exemple parfait: peu de personnes sont dans la confidence pour pouvoir déchiffrer un message codé, où le support même peut présenter des caractéristiques d’une importance capitale à la compréhension du message.

La beauté de la vulgarisation de la cryptographie, notamment le modèle à base de clé privée/clé publique, illustre un beau compromis. Le protocole est très peu contraignant (il suffit d’un fichier numérique à encoder et d’une paire de clés) et la garantie de la confidentialité tient en une seule prescription: l’unique paire de clés privée/publique.

La démocratisation de l’outil informatique est néanmoins révélatrice d’une analogie qui ne fonctionne pas. Si toute production papier est valide pour l’envoi d’un message, tout fichier informatique n’est pas lisible par tous. Plusieurs standards de fichiers existent. Des logiciels plus ou moins confidentiels, plus ou moins accessibles peuvent lire ou écrire certains de ces standards de fichiers. Le plus simple, le moins prescriptif des formats de fichiers est le fichier texte.

En pratique, il est courant d’échanger des fichiers encodés dans d’autres formats, comme ceux des suites bureautiques : ces « standards » évoluent pourtant régulièrement, sont souvent interprétés différemment en fonction des logiciels, voire des différentes versions du même logiciel.

Pourtant le texte est le format le plus léger pour le transfert de données. C’est également le format le plus ancien, qui est le moins spécifique à l’informatique. Le texte est stable et durable, il n’est soumis à aucune évolution. Il en est par là d’autant plus puissant, plus utile et plus efficace en tant que moyen de communication.

Le texte permet d’écrire des pense-bêtes, des prières, des rêves, des lettres officielles, des notes de service, des manuels d’utilisation, des romans, de la poésie. Il permet de véhiculer des idées en jonglant entre précision et ambiguité, d’élaborer un contenu complexe.

On dit bien qu’une image vaut mille mots, mais c’est aussi vrai d’une métaphore. Une image ne parvient pas non plus à communiquer avec la précision du texte si elle n’est pas elle-même accompagnée de texte.

Les opérateurs Morse ne travaillaient que sur la transmission de texte et non d’image ou de voix, parce que c’est bien le texte qui conserve un rapport incomparable de quantité d’information transmise par rapport au volume d’information transmise.

Et si la composition, la mise en page, la typographie d’un texte sont des disciplines, voire un art, d’une importance capitale quand on travaille à la présentation d’un texte sur un support tangible (que ce soit un livre, un écran, une liseuse électronique, etc.), l’élément séminal, le facteur commun entre tous les acteurs de la production de l’œuvre reste le texte.

Le texte peut-être indexé, recherché efficacement ; même à la main. On peut le traduire. On peut le comparer, le traiter, le corriger, le résumer ; même à la main. On peut l’éditer à plusieurs, l’annoter, le citer, le compléter, le réviser, le poursuivre, et même y répondre.

La littérature, la poésie, l’histoire, les mathématiques, les sciences, la philosophie, la logique, la programmation, l’ingénierie, l’enseignement reposent tous sur le texte pour transmettre leurs idées. Aujourd’hui encore, le texte reste au centre des éléments les plus efficaces d’Internet: Twitter et ses messages en 144 caractères en est le meilleur exemple.

Tout le monde peut écrire du texte, sur un ordinateur, sur une feuille volante, sur un ticket de métro, sur une serviette, sur sa main. Aucun format n’égale le texte quant à la diversité des supports utilisés, des manières de travailler, de communiquer, de réfléchir, seul ou de manière collaborative.

La portée du texte est asynchrone : on peut le lire, le relire, sauter des lignes, des pages, revenir en arrière bien plus facilement qu’avec tout autre vecteur d’information.

Si, pour porter un message, le texte est une alternative acceptable, c’est probablement la meilleure.