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Anonci sonòr en occitan dins lo mètro de Tolosa

15 février 2016

Après m’être éloigné de Toulouse pendant quelques années, j’avais eu la surprise lors d’un passage dans la ville rose d’entendre des annonces bilingues dans le métro… en occitan. Après avoir passé dans de nombreuses villes d’Asie à apprendre quelques rudiments des langues locales par la musique des haut-parleurs1, je n’étais pas vraiment choqué de ne pas voir tous les messages traduits en anglais, espagnol ou allemand.

Pourtant, ma première réaction ne fut pas vraiment positive.
Tout d’abord, je n’avais jamais entendu d’occitan avant à Toulouse ; tout juste en avais-je aperçu sur le nom des rues et sur les panneaux d’entrée dans la ville. Et puis pourquoi s’évertuer à répéter les noms des stations tels quels, avec une voix somme toute disgracieuse. Tout juste pouvais-je percevoir une différence à la station « Saint-Cyprien – République ».

Puis lors d’un nouveau passage à Toulouse, une nouvelle voix, féminine, douce et claire, la même en français et en occitan. L’art de trouver une voix neutre, sans accent, intelligible par tous pour des messages dans les transports en commun est difficile. J’avais entendu qu’une ville2 avait choisi d’enregistrer des voix d’enfants pour annoncer les stations de son système de transport. Ici l’exercice est plutôt réussi, et surtout les messages ne se résument pas au nom des stations. On entend également :

  • Estacion veneta : … (prochaine station) ;
  • Atencion, davalada a esquèrra (attention, descente à gauche) ;
  • Estacion terminus, totes los passatgiers son convidats a quitar lo tren
    (terminus, tous les passagers sont invités à quitter la rame)

Et puis, j’ai compris.

Je ne connais pas la prononciation de l’occitan. Je ne l’ai vu qu’écrit sur les panneaux de la ville, et cet acquis des occitanistes semble encore bien fragile. Pourtant, je suis le premier à regretter cette politique du XIXe siècle qui a mené à l’extinction des langues régionales. Je dois sans doute être un peu jaloux de l’alsacien, du basque ou du catalan qui font sans doute figure d’exception, bénéficiant du fait que la langue (à l’exception de l’alsacien) survit sans doute déjà bien de l’autre côté de la frontière. Mais sans doute n’est-ce pas tout : à l’époque des félibriges, le catalan parvenait déjà mieux à se protéger.

Aujourd’hui, cette politique a gagné. Les langues régionales comme l’occitan, le provençal, le poitevin-saintongeais, le breton, sont presque mortes. Certes, certains résistent encore, mais rien n’est gagné. Les panneaux bilingues font office de folklore qu’on peut choisir de ne pas voir. En revanche, on ne peut pas ignorer les annonces dans le métro qui font entendre la musique de la langue qui vivait encore il y a un siècle.

Celui qui ronchonne, celui qui lève les yeux au ciel, tous découvrent presque malgré eux cette langue qui est toujours là dans cette ville, au moins dans les toponymes.3 Une fois la prononciation entendue, à mille lieues de la retranscription qu’on en fait, tout le monde entend que cette langue est restée proche de nous, et la prononciation de Tolosa est finalement très proche du français Toulouse.

Au delà des toponymes qui survivent toujours4, avec trois phrases de plus en occitan dans les annonces, le moindre curieux s’interroge, tend l’oreille, devine, comprend, écoute, attend l’annonce suivante, puis éventuellement poursuit ses recherches une fois rentré chez lui.

Si l’accent local disparaît toujours des annonces dans les transports pour laisser la place à une voix la plus claire possible, le passage à l’occitan marque un retour aux racines locales. Certes, l’accent transmis par nos aînés est atténué ; l’occitan que l’on y entend n’est peut-être que le fruit d’une « fusion » de plusieurs parlers qui porte ombrage au parler local, mais la langue que l’on entend n’en demeure pas moins un parler d’oc cohérent avec la ville.

Le jour où Calendreta, Diwan, ou autre Ikastola, seraient la norme n’est pas arrivé (et c’est certainement une bonne chose !) Aussi, une petite dose d’occitan dans un lieu aussi symbolique que le métro ne fait aucun mal et permet au moins de sensibiliser les Toulousains de tout âge à l’existence de cette langue dont la vocation n’est pas de rester terrée entre les murs d’obscures associations militantes.

Sans doute que le jour où le pays sera réconcilié avec le patrimoine de ses langues régionales, où il respectera le français sous toutes ses formes en tant que richesse culturelle commune, nous pourrons atteindre un meilleur niveau de bienveillance envers les autres langues et les autres cultures.

Oui, il est important de parler correctement français.
Oui, il est important d’apprendre des langues étrangères, notamment l’anglais.
Mais les langues régionales permettent sans doute d’aider à avancer vers ces deux objectifs avec plus de sérénité. Alors quelques gouttes d’occitan dans le métro sont une jolie manière de commencer ce chemin.

  1. Je me revois encore en train de marmonner dans le métro de Séoul
    « 이번 역은 종로 3가. 다음, 안국역 입니다 »… 

  2. Je crois me souvenir qu’il s’agissait de Berlin mais n’en suis pas sûr… 

  3. Après une brève recherche sur la présence de l’occitan dans le métro toulousain, on découvre ainsi que Borderouge n’est que la retranscription phonétique de « bòrda roja » [bɔrdɔ ruɣɔ] (ferme rouge), Saouzelong de « sauselong » [sawzelung] (saule pleureur), etc. Et Basso Cambo n’est ni de l’italien, ni de l’espagnol, mais simplement la version occitane de « jambes courtes ». 

  4. Lire cet article du Dossier Pour La Science no. 82 sur l’évolution des langues.