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Art et science

21 novembre 2007

La vision que notre société se fait de la science et de l’art n’est certainement pas équitable. Quand une science est une discipline associée à un raisonnement calme, impersonnel, logique et systématique, une discipline artistique qui mettra l’accent sur le côté esthétique, créatif, humanitaire, et irrationnel, se verra d’emblée accorder moins de crédit.

Pourtant, si un complexe scientifique ambiant ne nous fait pas oublier que l’art a besoin de la science pour pouvoir exister, on omet souvent de préciser les dons artistiques dont il faut faire montre pour faire avancer cette science qui nous est si chère. À l’instar des disciplines dites artistiques, telles les arts plastiques ou la poésie, les disciplines scientifiques sont également nées d’un habile mélange d’objectivité et de subjectivité.

Les disciplines artistiques ont souvent été influencées par les innovations scientifiques de l’époque. Si l’on compare les représentations humaines en peinture que l’on peut trouver à travers l’histoire, il est aisé de faire coïncider ces œuvres avec les progrès de l’anatomie. Au fur et à mesure que cette dernière progresse, les représentations humaines sont de plus en plus réalistes. On reconnaît également des influences de mécanique dans la représentation des mouvements.

De la même manière, le pointillisme en peinture apparaît aux débuts de l’optique. Le pointillisme est cette technique qui consiste à ne peindre qu’à l’aide de couleurs primaires. Le mélange ne se fait pas par la peinture, mais dans l’œil de l’observateur. Lorsque le tableau est observé à une certaine distance, les taches de couleur ne peuvent pas être distinguées les unes des autres et se fondent optiquement les unes aux autres. Les artistes ont ici exploité ces lois de l’optique.

Un dimanche après-midi sur l'île de la Grande Jatte* (Georges Seurat)

En littérature également, le courant naturaliste, où l’écrivain, en posant un cadre et des personnages significatifs de l’époque, adopte une démarche scientifique semblable à celle du biologiste, qui observe a posteriori les interactions entre les protagonistes de la société qu’il dépeint. Les Rougon-Macquart n’est que le reflet de démarche expérimentale de rigueur en biologie.

The editor of Funk & Wagnall’s dictionary observed that the painstaking accumulation and classification of data about words has a scientific character, while a well-chosen phrasing of definitions demands the ability to write with economy and precision: ”The science without the art is likely to be ineffective; the art without the science is certain to be inaccurate.”

La science physique, la biologie sont les sciences de la description de la nature. Or ces descriptions ne peuvent être faites qu’en langage humain. La mathématique n’est qu’un outil à leur service. Les talents littéraires sont des pré-requis pour l’apprentissage et la recherche scientifique. De même, un des meilleurs vecteurs d’information connu à ce jour étant l’illustration, le dessin et la peinture sont autant de techniques artistiques mises à la disposition du scientifique pour mener à bien sa mission.

L’anatomiste est un dessinateur, comme le botaniste. Si l’astronomie est la science de la description des étoiles, de la déduction de ce qui est par ce que l’on peut voir, ou mesurer, les représentations artistiques de nos étoiles sont nécessaires pour faire rêver les gens. Si des satellites peuvent prendre des photos proches de la Terre, de planètes, ou du Soleil, les représentations des modèles de trous noirs, de naines blanches, ne sont que les vues de l’esprit de quelque artiste de talent.

Aussi, l’ingénieur est le bricoleur, l’artiste qui parvient à sélectionner parmi sa connaissance de la science, pour résoudre un problème pratique. L’informaticien est aussi un concepteur d’interfaces graphiques, qui fait le lien entre un système informatique qu’il est capable de maîtriser et un être humain. Parmi le code source qu’il écrit, on reconnaît aussi différentes techniques d’écriture. Si l’utilisateur final ne lira sans doute pas le code source de son logiciel, l’art dont a fait preuve le programmeur, se ressentira dans toute la vie de l’application, de sa naissance, à l’aisance avec laquelle on pourra maintenir ce logiciel.

Au Moyen-Âge, les premières universités enseignaient les sept arts libéraux: la grammaire, la rhétorique, la logique, l’arithmétique, la géométrie, la musique et l’astronomie.

Toutes ces disciplines sont aujourd’hui considérées comme des sciences. En réalité, elles ne sont ni art, dans la mesure où elle requièrent toutes de la rigueur scientifique, ni science dans la mesure où aucune d’elles n’est exacte, froide et insensible.

Dans toute discipline, rien ne sera purement science, car il y a besoin d’une part d’art, d’imagination, pour avancer, rechercher, tâtonner. Le chercheur aura besoin de talents humains, pour comparer son problème à un autre, à ses expériences en tant qu’être humain, qui l’aideront à appréhender un réalité. Le résultat de son travail sera la plupart du temps rendu à travers des mots et des images. À l’inverse, aucune n’est purement art, car chacune de ces disciplines a besoin de structure, de contraintes, de garde-fous pour pouvoir aller de l’avant sans se disperser, sans papillonner.

Aux adeptes de ces disciplines scientifiques, pour qu’ils n’oublient pas de développer leurs talents artistiques, et aux artistes, pour qui une perception correcte de la réalité est nécessaire à leur travail.