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Ma bibliothèque de Babel

22 janvier 2018

J’ai eu envie ces dernières semaines d’écrire un texte sur les livres qui m’ont marqué ces 20 dernières années (et même un peu avant), et qui me marquent encore. La plupart sont dans ma bibliothèque, ceux qui n’y sont pas doivent être à l’état virtuel sur ma tablette (j’apprécie d’habitude le livre électronique pour les romans jetables) : il faudra investir les économies ainsi faites pour qu’ils finissent en belle édition papier sur ma bibliothèque.

Bilbo le hobbit
J.R.R. Tolkien

C'était un ami du temps du collège qui me l'avait prêté la première fois que je l'ai lu, je devais avoir 10 ans. J'avais adoré. Il y avait cette atmosphère que j'avais vécu dans un livre pour enfants, à l'école primaire, de Astrid Lindgren, Mio, mon Mio. Puis j'ai essayé de lire les Comptes et Légendes inachevés et je n'ai pas réussi à dépasser le premier tome. Puis j'ai essayé de lire le Seigneur des Anneaux, et je n'ai pas réussi à dépasser le premier tome.

Mais j'avais adoré et j'ai toujours une affection particulière pour ce livre que j'ai lu relu et encore relu, et dont je garde le ressenti que j'ai eu lors de sa première lecture. L'histoire est dynamique, le courage dont doivent faire preuve les hobbits, est communicatif et je suis persuadé que c'était le genre d'histoire formatrice nécessaire pour l'enfant que j'étais à cet âge.

La joueuse de go
Shan Sa

Ce livre me rappelle le début de mes années étudiantes, parmi d'autres œuvres dont l'atmosphère m'avait plu. Il y avait la fascination pour les langues et écritures chinoises et japonaises, la calligraphie et le jeu de go.

J'ai prêté ce livre à un ami qui l'a oublié dans le train, l'a racheté (pour le finir) dans une impression où il s'est trouvé qu'il manquait une trentaine de pages et l'a racheté une troisième fois.

Анна Каренина
Лев Толсто́й

J'écris volontairement le titre en cyrillique comme pour conjurer ce blocage que j'ai longtemps eu, ce refus maladif de lire de la littérature russe. Puis j'ai fini par m'y mettre, à « céder » au moment où je m'y attendais le moins, avec un audiobook d'une nouvelle de Tchekhov, et Anna Karénine fut un des premiers livres que j'ai lu sur liseuse. Le livre m'a profondément touché ; j'aurais pu, ou dû, le lire adolescent, plus tôt, à l'âge où il faut déjà avoir fait un tas de choses comme attraper la varicelle, parce que c'est plus dangereux quand on est adulte. Il m'a pris par surprise, il a laissé des traces.

El amor en los tiempos del cólera
Gabriel García Marquez

Il paraît qu'il y a deux types de lecteurs: ceux qui aiment Cent ans de solitude et ceux qui aiment L'amour au temps du choléra. Je n'ai pas dépassé la dixième page de Cent ans de solitude. J'avais lu le roman autobiographique Vivre pour la raconter lors de mon premier voyage au Japon, amusé de découvrir un auteur de la même nationalité que des amis étudiants étrangers.

Et j'ai repris ce roman une fois que j'habitais là-bas. Tout ceci n'aide pas à donner envie de lire le livre; mais c'est à la fois une belle histoire et une atmosphère marquante, un voyage dans le temps sans la DeLorean et sans bouger du papier relié.

La ballade de la mer salée
Hugo Pratt

J'ai découvert Corto sur le tard, et ai rapidement accroché avec ce premier album emprunté à la bibliothèque. Puis j'ai été surpris par le contraste avec , sa dernière aventure.
Puis j'ai acheté tous les albums un par un pendant mes classes préparatoires, avec mon premier salaire de boulot d'été!

« Sono l'oceano pacifico e sono il più grande di tutti. Mi chiamano così da tanto tempo ma non è vero che sono sempre calmo. »

Ficciones
Jorge Luis Borges

C'était une voisine originaire d'Amérique du Sud qui m'a donné l'envie de commencer ce livre. Pour tout dire, je ne l'ai pas encore fini. Je n'ai pas encore lu toutes les nouvelles de ce recueil mais j'ai une excuse; chacune d'entre elles est si bouleversante qu'il faut du temps pour s'en remettre. Ce serait un non-sens de lire ce livre en version électronique. Je regrette déjà de l'avoir en édition de poche. Je ne peux pas le lire dans le texte original mais ce serait un élément accessible dans ma bucket list.

J'ai commencé cette lecture par La bibliothèque de Babel, ce qui m'a convaincu que cet auteur était fou... ou un génie... ou les deux...

Shogun
James Clavell

Au XVIe siècle, après que les chrétiens ont été chassés du Japon, un capitaine anglais échoue son navire dans le Kansai et se retrouve impliqué malgré lui dans des jeux d'influence autour du shōgun.

Sans vouloir y chercher un sens qui ne s'y trouve pas, je trouve ça plutôt amusant d'avoir commencé ce livre dans le bus qui m'emmenait à l'aéroport pour un voyage d'un mois depuis le Japon et de l'avoir terminé dans le bus qui m'en ramenait.

水滸傳, Au bord de l'eau
Jacques Dars (trad.)

Mon premier contact avec La Pléiade. J'avais emprunté l'ouvrage à la bibliothèque de l'université de Kyōto (!). J'ai été impressionné par la facilité de suivre une histoire avec tant de personnages ; on parle de cent huit bandits ! Les illustrations sont superbes et la traduction de Jacques Dars, un travail de longue haleine — et même d'une vie — un bijou.

Bérénice
Jean Racine

Comme beaucoup, j'ai découvert le théâtre classique avec Molière, puis plus tard des pièces plus modernes, plus « surréalistes ». Et puis au détour d'une page, en lisant Érik Orsenna, Sur la route du papier, celui-ci mentionne le confort de pouvoir relire Bérénice sur sa liseuse électronique s'il lui en vient l'envie quand il est en voyage.

C'est donc le livre que j'ai ouvert après avoir refermé Orsenna. Bien qu'il ne se passe au fond pas grand chose dans cette tragédie, j'ai aimé le verbe, la musique des alexandrins, et apprécié de ne pas avoir découvert cette pièce à l'école, de pouvoir encore l'apprécier et encore la relire aujourd'hui.

Une adaptation radiophonique récente par la Comédie Française.
卍 (Manji)
谷崎潤一郎, Jun'ichirō Tanizaki

Parmi les auteurs un peu « classiques » en japonais, Tanizaki est l'un de ceux qui a une écriture naturelle, fluide et vraiment plaisante à lire, même pour un apprenant. Elle dénote avec la série des romans de Haruki Murakami (que j'ai dévoré aussi!) dont on sent des restes de construction en anglais dans la structure du langage.

Manji (les traducteurs ont choisi Quicksand, soit Sables mouvants, pour titre de la version anglaise) se passe dans le Kansai des années 20 ou 30, et décrit une histoire d'amour et des relations de manipulation un peu dérangeantes, malsaines, où on ne sait jamais vraiment qui manipule qui.

Buddha
手塚治虫, Osamu Tezuka

J'avais bien lu Siddharta de Herman Hesse mais cet ouvrage reprend plus en profondeur l'histoire du bouddhisme dans un roman-fleuve. Beaucoup des planches de ce génie de l'art du manga sont à couper le souffle.

On retrouve chez cet auteur un engagement dans des valeurs partagées par beaucoup de Japonais engagés (à l'instar de Hayao Miyazaki), notamment le respect de l'environnement naturel, le respect de la vie et de toutes les créatures vivantes, et un solide engagement pour la paix et contre la guerre.

イン ザ・ミソスープ
村上龍, Ryū Murakami

Je ne saurais dire laquelle de ces deux couvertures je préfère. Le côté ketchup de la première illustre bien le fait qu'il y a juste ce qu'il faut de violence en trop pour que l'on y croie plus: la lecture reste un plaisir tout en suggérant suffisamment. On y retrouve un serial-killer américain qui sévit dans le quartier de Kabukichō et qui donne du fil à retordre à son guide japonais.

Le vieil homme et la mer
Ernest Hemingway

J'avais découvert cet ouvrage en audiobook, puis touché par cette histoire, l'ai relu en version papier.

Illska – Le mal
Eiríkur Örn Norðdahl

L'histoire se partage entre l'Islande et la Lituanie.

Une doctorante aux origines juives trompe son petit ami avec un néonazi cultivé qu'elle rencontre dans le cadre de sa thèse ; elle étudie la responsabilité de son peuple vis à vis des Juifs dans la seconde guerre mondiale, incarnée par ses deux grands-pères, l'un des deux ayant tué l'autre.

The Cider House Rules
John Irving

Ce livre date de mon année de naissance, et j'ai attendu d'être père pour le lire. Quelques semaines avant de découvrir l'ouvrage, j'avais posé à un obstétricien la question des avortements et il m'avait répondu que son travail n'était pas de juger mais d'aider. Et certaines situations sont critiques, et des femmes appellent à l'aide.

Finalement, le temps de la lecture, complété par celui du film, m'a aidé à être serein dans mon positionnement.

Le lotus bleu
Hergé

En réalité, je devrais prendre tous les albums de la série, pour le génie de leur structure et de leur rythme, mais s'il fallait n'en choisir qu'un, c'est celui que je prendrais. Ce n'est pas le premier que j'ai lu (L'affaire Tournesol), ni le premier du diptyque qu'il forme avec Les cigares du pharaon mais c'est sans doute l'album lors duquel le déclic a eu lieu, autant pour Hergé qui y a trouvé son style que pour moi qui y ai pris goût.

Une adaptation radiophonique récente par la Comédie Française.
L'île au trésor
Robert Louis Stevenson

Quand ma professeur de français en 5e annonçait que nous allions lire un « roman d'aventure », je levais les yeux au ciel.

Finalement j'ai adoré : j'ai même relu le livre plusieurs fois après... En fait, nous avions tous adoré : nous en chantions même « Yo ho ho, et une bouteille de rhum ! » après les cours.

Les caprices de Marianne
Alfred de Musset

Suite à une discussion au Japon avec une amie metteur en scène sur cette œuvre, j'ai téléchargé le texte en version électronique et l'ai lu d'une traite le soir même.

Je me suis finalement procuré la version papier pour pouvoir le relire avec moins d'impulsivité... 😄

Blacksad
Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido

Un camarade de promotion m'a présenté à cette série policière, à l'atmosphère sombre, un rien lugubre, renforcée par des jeux de voix-off; et dont les principaux rôles sont des animaux anthropomorphes.

Il m'avait prêté les deux premiers albums et dix ans plus tard à la sortie de Amarillo, je m'offrais la série complète que j'allais pouvoir me faire dédicacer quelques jours après! 😄

Écoutez nos défaites
Laurent Gaudé

Un superbe ouvrage où l'on aborde le général Grant écrasant les confédérés lors de la guerre de Sécession, Hannibal marchant sur Rome, Haïlé Sélassié se dressant contre l'envahisseur fasciste lors de la guerre italo-éthiopienne, le sac du musée archéologique de Mossoul avec la musique de Mahmoud Darwich.

Le livre conduit le lecteur à se questionner sur le sens des victoires, des défaites et sur les abdications intimes qui prennent le pas une fois que le temps a passé.

10 extraits en lecture radiophonique et les émissions qui les replacent dans leur cadre historique (France Culture)